Le Haut Moyen-Âge – Ve à IXe siècle après J.C.
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En archéologie du Haut Moyen-Age, la connaissance se heurte à un manque évident de données. La majorité des textes sont d’ordre politique ou religieux (chroniques, vie des saints) et on y trouve peu de description de la vie quotidienne. Les constructions en matières périssables rendent difficile l’étude de l’habitat. Il y a peu de villages bien connus. De plus, les archéologues se sont concentrés assez longtemps sur l’étude des sépultures (riches en vestiges, bien conservées, facilement identifiables), négligeant un peu l’aspect agglomération. Le manque d’information est encore plus flagrant pour l’époque carolingienne où les dépôts funéraires disparaissent, privant l’archéologie d’une source importante de données.
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dCependant, nous connaissons en partie l’organisation des campagnes autour de grands domaines, héritiers des villae gallo-romains et précurseurs des paroisses et villages du Moyen-Age. L’étude de ces domaines est intéressante à plus d’un titre : au-delà de l’aspect structurant de l’espace, ils restent la source du pouvoir des potens et sont à l’origine de l’organisation sociale et hiérarchique de l’Ancien Régime. dLes grands domaines mérovingiens et carolingiensLe grand domaine porte le nom de villa. Il peut couvrir jusqu’à 5000 ha. Il s’agit d’une structure qui donnera souvent naissance plus tard à ce que l’on appelle aujourd’hui un village. Le domaine correspond à la paroisse ; on trouve à sa tête un potens (ou dominus) qui a la charge de construire une église, son cimetière et de nommer le curé. Le potens possède l’ensemble des près, bois et autres réseaux (hydrographiques et viaires) situés sur le domaine. Les grands domaines sont composés de la demeure seigneuriale, des bâtiments de l’activité agricole (granges, celliers, écuries, étables, bergeries, porcheries, moulins, pressoirs…) et des bâtiments à banalités qui perdureront sous l’Ancien régime. La demeure seigneuriale est parfois fortifiée, avec une tour en bois sur motte selon les sites. La ferme seigneuriale reste le centre de l’activité. Le domaine primitif est organisé en “tenures’ et en “réserve”. Les tenures ou manses (mansus) sont des parties tenues par des paysans non-propriétaires qui ont des charges. Ils peuvent être libres (vilains) ou serviles (serfs). Le serf ne peut quitter sa terre, on ne peut lui prendre mais il doit la travailler et produire. Héritage des Latifundia, ce domaine initial va se morceler peu en peu en plusieurs villages en fonction de la démographie. Vers 800, chaque village a son cimetière et son église et toute la vie est organisée autour de ces structures. L’église paroissiale est un centre unique et obligatoire. La demeure seigneuriale peut devenir fortifiée, prenant par exemple la forme d’une tour de bois sur motte (elle sera plus tard le donjon carré en pierre).
Les bases du droit “féodal” : vassalité et bénéficesLe système féodal s’appuie d’une part sur la vassalité, lien d’homme à homme, échangeant des services d’ordre militaires mais aussi d’autre part sur le principe des bénéfices (une partie accorde une requête à une autre contre une redevance symbolique. Il s’agit notamment d’un phénomène agraire de regroupement de terre, de cession, d’usufruit et de viager qui amène à une optimisation des ressources entre les deux intervenants). Ces relations particulières se développent du VIIe au VIIIe siècle. Au VIIIe siècle, les deux systèmes ne font qu’un : le suzerain accorde à son vassal une terre, le fief, en échange d’un devoir militaire. Ce système a été mis en place pour lever des armées et lutter contre les invasions arabes du VIIIe siècle. Rappelons qu’alors le contrat est viager, car le vassal n’a que l’usufruit du fief. Charles II le Chauve ordonne l’hérédité des fiefs et des charges en 877. Les rites de vassalité apparaissent sous forme de l’hommage et du serment de fidélité. Le pouvoir central en ressort en fait affaibli car ce sont les comtes qui possèdent réellement le pouvoir. Jusqu’au XIIIe siècle, date de l’affirmation des pouvoirs royaux et princiers, les seigneurs gagnent en puissance et en en pouvoir.
Les évolutions sociales : naissance de la féodalitéLa famille. La famille mono-nucléaire se met en place à partir du Xe siècle, à l’opposée des sociétés en clan du Haut Moyen Age. Féodalisation et encellulement. L’archéologie du château et du village apparaît en France dans les années 60. On considère aujourd’hui qu’il existe plusieurs phases de mutation du village et de son peuplement : – du IIIe au Ve siècle, l’habitat se resserre sous la pression des grandes invasions ; – du X au XIe siècle, les sociétés féodales se construisent entraînant sélection et fixation de population auprès des châteaux et des églises. Ainsi, au XIe siècle, le peuplement se resserre, venant grossir les curtis déjà existantes ou les places neuves à proximité de leur château, leur église et leur cimetière. On considère donc qu’il s’agit d’un passage d’un domaine (avant le XIe) à une seigneurie (après le XIe). Ainsi, les producteurs, paysans, vilains et serfs sont regroupés par consentement ou par force près du château, qui les protège et les surveille. Encore faut il pouvoir savoir si le château a provoqué le regroupement en village, si il le précède, ou si il s’est développé conjointement. Ce mouvement, appelé encellulement (ou incastellamento) correspond à la naissance de la structure féodale. Le partage de l’Empire carolingien, les invasions normandes, l’effondrement du pouvoir royal, l’émergence de pouvoirs locaux vont concourir à une réorganisation de l’habitat. Notons que ce phénomène est à l’origine de l’affirmation de l’aristocratie de l’Ancien Régime et de l’abandon d’un certain nombre de communautés rurales, aujourd’hui redécouvertes et fouillées.
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