L’Epoque Gallo-Romaine – 125 avant J.C. au Ve siècle après J.C
Apparition de la sigillée
Dans la première moitié du Ier siècle avant J.C., la sigillée apparaît en Italie. Les ateliers pionniers sont Pouzzoles (Nord de Naples), dont les produits ont été exportés jusqu’en Germanie, et Arezzo (entre Rome et Florence). Une date importante intervient en 20 après J.C. Elle marque la fin des exportations italiques vers la Gaule, après une révolte des potiers gaulois, lassés du favoritisme accordé aux potiers romaines par l’Etat). D’autres ateliers se développent après 20 : Pise, Padus (céramique padane, gobelet ACO), Lyon la Muette (succursale italique).
CONTENU
“ tasse à poucier” : les deux index passent dans les anseset les pouces se posent sur la partie plate. Elle disparaît au début du IIe siècle.
La “panna” classique
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Les ateliers en GauleOn distingue trois zones principales : Ces ateliers ce succèdent temporellement : • Les ateliers en Gaule Méridionale Gaufresenque (Millau) : les ateliers comptent 450 potiers, avec les ateliers rattachés de Rajol, du Roc et de Rozier. Les activités débutent en 20, avec la création de types originaux, en utilisant une couleur rouge vif, exclusif du site. Banassac (Lozère, près de la Gaufresenque) : Les ateliers connaissent une apogée en 120 – 140 (forme Dragendorff 37, inscription au moule). Les zones de vente s’étendent sur les limes, et à la Roumanie…. Les ateliers disparaissent à la fin du IIe siècle. Montans (Gaillac) : à l’origine, les ateliers produisent des copies italiques, puis les mêmes produits que la Gaufresenque (tampons différents). Les ateliers comptent 200 potiers, et survit grâce aux marchés de l’Ouest. La production devient de mauvaise qualité au IIe siècle, et fait intervenir de nouveaux moules achetés. L’indépendance de ces ateliers à ceux de la Gaufresenque, en termes artistiques, est difficile à établir. • Les ateliers de la Gaule centrale Lezoux : le développement de ces ateliers signe l’arrêt de la production de la Gaufresenque, au second quart du IIe siècle. Au début, les productions de Lezoux rencontrent un faible succès (au Ier siècle). 300 potiers y travaillent, et en comptant les ateliers satellites, l’effectif s’élève à 500 potiers. A l’origine, les ateliers de Lezoux produisaient des copies de la filiale italique de Lyon la Muette. Les poteries ont un aspect mat orangé sale. Au IIe siècle, la production s’accroît avec la création de nouveaux moules (dont certains seront achetés par les ateliers de Banassac). Les ateliers de Lezoux garderont le marché des Gaules jusqu’au Danube, mais perdront la Germanie au profit des ateliers du Nord-Est (Rhénanie et Argonne). Le sud méditerranéen, devenu pauvre se contente d’une poterie rouge orangée (sigillée claire, sans décor). Au début du IIIe siècle une crise économique et sociale éclate. Le Bas-Empire sonne le glas des productions industrielles, et l’on note une forte baisse de la production. Les ateliers de Lezoux disparaissent totalement au IVe siècle. • Les ateliers de l’Est L’industrie sigillée s’installe assez tôt. N’est pas en ligne direct avec les succursales italiques (aucune imitation d’Azzero ou Pouzzoles). la clientèle militaire est desservie par l’Italie, puis la par la Gaule méridionale et centrale. De nouveaux ateliers, d’influence méridionale en terme de formes et de décorations, apparaissent au Ier et IIe siècle . Les ateliers de la Madeleine alimentent le marché local au IIe siècle. Les deux sites les plus représentatifs sont : Rheinzabern (Alsace et du Palatinat) : entre 140 et 150, les ateliers se déplacent sur la rive gauche du Rhin à Rheinzabern, près de Spire. Trois cents potiers y travaillent. Les produits de Gaule méridionale disparaissent alors des limes et de Germanie. Il existe une concurrence notamment avec Trêves. Les ateliers de Trêves et de Rheinzabern disparaissent au IIIe siècle, avec les invasions barbares. Les ateliers d’Argonne survivent aux invasions barbares, car les ateliers sont situés dans la forêt d’Argonne. Les principales exportations se font vers la Seine, l’Oise, la Marne, vers la Belgique. Des produits sont à l’imitation de ceux de la Gaule centrale apparaissent vers 120. Un atelier principal, celui de Lavoye, se développe (Grande Bretagne, Paris, Germanie). A la fin du IIe siècle, le style devient rhénan. Des sites se développent après les invasions du IIIe siècle : Allieux, Avocourt, Lavoye à nouveau (et enfin Chatel Chéhéry au Ve siècle) produisent notamment la céramique d’Argonne du IVe siècle, décorée à la molette à casiers.
La fabrication : des fours spécifiques mouflés ou à tubuluresLes fours mouflés («à tubulures») sont des fours spécifiques à la cuisson de la sigillée. Il n’existe aucun contact entre combustible et charge à cuire. La cuisson se fait par rayonnement calorifique de tuyaux en terre cuite verticaux, placés dans le laboratoire. Les tuyaux sont d’une part en contact avec l’extérieur, d’autre part avec le foyer. Le laboratoire est fermé par une voûte démontable; la distance entre les tuyaux ne dépasse pas 80 cm car la distance moyenne du rayonnement des tuyaux est de 40cm. La cuisson s’effectue en présence d’oxygène, d’où la couleur rouge des poteries, résultat de l’oxydation. Les tubulures sont munies à leur partie supérieure de gros disques percés jouant le rôle de chapeaux de cheminée et permettant de contrôler le tirage du four (par l’obturation partielle de ces cheminées). Les fours sont ronds ou rectangulaires ; de volume moyen, ils permettent de cuire plus de 10 000 pièces d’un seul coup. • La technique de cuisson Les vases prêts pour la cuisson été empilés les uns dans les autres et placés dans le laboratoire. Ils étaient souvent sablés pour éviter qu’ils ne se collent à la cuisson. Des cales permettaient d’alléger le poids des vases, afin qu’ils ne s’affaissent pas. La technique de cuisson consistait à faire monter progressivement la température jusqu’à 1000°C, température critique maximale.
Art de la cuisson et comptabilité : les graffitesLa cuisson nécessite des connaissances techniques empiriques précises. Très souvent, le cuiseur était donc un individu différent du potier lui-même. Très souvent, les potiers se réunissaient pour confier leur production à un cuiseur. On a retrouvé sur le site de la Gaufresenque des graffites, qui sont des comptes réalisés sur une assiette plate non cuite. Ces comptes décrivaient le nombre de vases confié par chaque potier au cuiseur, afin d’éviter toute contestation ultérieure.
Techniques générales de façonnage de la sigilléeLes techniques employées sont principalement celles du tournage et du moulage. • Le tournage Les vases sont tournés sur un tour rapide, après pétrissage. Les dimensions internes et externes sont assez précisément contrôlées par l’utilisation de calibres (une des dimensions principales est fixée par une métrique, les autres s’en déduisent par des rapports simples ou des distances en doigts). La phase de tournage est suivie d’une phase de décoration (barbotine, molette, estampage, accroche…) Il était parfois nécessaire de tourner le pied à part, puis de le fixer au cours d’une opération finale de recentrage appelé “tournassage”. • Le moulage Les vases sont simplement réalisés par moulage. Le moule est posé sur un tour afin d’obtenir des parois fines et régulières. Le centrage est assuré par un trou placé au centre du fond du moule. La lèvre est réalisée par débordement. Puis, le vase est mis à sécher. Il se décolle alors du moule. Le pied est tourné sur le vase retourné, et placé sur le moule. Il existe des moules simples externes, mais aussi des moules bivalves (ateliers d’Argonne, IIIe siècle), qui nécessitaient un recollement des deux parties après moulage. • Fabrication des moules Les moules constituent un moyen de datation précieux (unicité du moule, présence de signatures ou de marques, forme caractéristique d’un atelier). Fabrication des poinçons de décoration. Une matrice est réalisée en cire, sur un support, en creux. Le motif obtenu est sert alors de moule à de l’argile, puis les “poinçons” positifs obtenus sont cuits (le motif est donc en relief sur ces supports). Fabrication du moule La composition des moules est variable en homogénéité et en qualité de la décoration… Il est à noter que les fabricants des poinçons, des moules des poteries peuvent être des individus distincts. Le commerce des moules est une réalité qui a été mise en évidence. • Engobage Il s’agit d’une procédure de trempage du vase dans une barbotine (argile très liquide). Cet enduit donnera la couleur rouge brillant à la céramique après cuisson, caractéristique de la production sigillée. Il est fréquent de retrouver les traces des doigts du potier qui tenait le vase par le pied au moment du trempage… L’égouttage a son importance. Elle assure la netteté des motifs en relief et témoigne de la qualité de la vaisselle. • Les décorations Les techniques de décoration de la sigillée sont extrêmement variées : incision, excision, décor à la barbotine, applique, décor à la molette, estampage, peinture, inscription… • Les décors peints La peinture est réalisée à base de barbotine et de pigments. Cette technique est surtout utilisée à partir du IVe siècle en Argonne. Le motif est en général dessiné avant cuisson, mais après séchage, pour éviter un détrempage. La peinture reste une technique relativement rare sur la sigillée. • Les inscriptions L’étude des inscriptions est particulièrement intéressante. Elles témoignent du niveau social du potier (écriture maîtrisée) et des préoccupations de l’époque (!). La langue employée n’est pas toujours le latin. Il s’agit souvent de patois indigènes ou de gaulois latinisé, voire de grec. On peut trouver des inscriptions peintes, moulées, gravées… • Incision et excision C’est une technique qui se développe pour la sigillée lisse tournée du II et III e siècle. Le vase est travaillé à la gouge après séchage. On retrouve cette technique en Argonne au IVe siècle (pot orangé mat). • Décors à la barbotine Cette technique consiste à réaliser des décors simples à l’aide d’argile liquide venant d’une burette ou d’un biberon. Les motifs exécutés sont très souvent de type végétal (feuilles…) • Le relief d’applique Cette technique consiste à utiliser de petits moules en creux, remplis d’argile et collés sur la poterie (Dragendorff 45 par exemple ). Cette technique persiste jusqu’au IV° siècle. • Décors à la molette On utilise une molette avec un décor. • Décors à guillochis Ce type de décor est obtenu avec des molettes constituées d’entailles ; on effectue deux passages superposés, ce qui donne une décoration caractéristique. • Décors à la molette à casiers Ce type de décoration est d’inspiration gauloise. La molette est constituée d’une série de petits casiers, contenant une décoration spécifique. Cette technique est réutilisée au IVe et Ve siècle, en Argonne. • L’estampage Reprise au Bas-Empire pour la sigillée, cette technique consiste à appliquer des poinçons en relief (palmette par exemple). Géographiquement, cette technique est utilisée dans les zones d’exclusion de l’utilisation de la molette à casier. Elle perdure jusqu’au VIe siècle. • Le surmoulage Technique qui consiste à emprunter des décorations réalisées sur d’autres vases par surmoulage. Une forme de contrefaçon en quelque sorte !
Des indicesBon nombre d’indices et de témoignages ont été laissés par les potiers sur leurs productions. Ces marques nous permettent de tenter de mieux connaître ces hommes, leur quotidien et leurs techniques… Elles sont de plus un outil pratique d’identification des échanges commerciaux et un moyen de datation.
Les marques de potiers : des signatures d’artistesLes noms des potiers nous sont connus grâce aux marques qu’ils ont laissées sur les vases, sous formes de signatures manuscrites ou imprimées à l’aide de tampon. Ces marques permettent, notamment d’aider à la datation de la poterie. Des catalogues de signatures ont été réalisés par les archéologues, qui ont ainsi corrélé sites de production et datation. Il existe environ plus de 6000 signatures de potiers et 150 noms d’associations. • Apparition des signatures Les signatures sont vraisemblablement d’inspiration grecque. Les vases noirs et rouges été signés du nom du potier, suivi du suffixe EPOISEN (a fait). On retrouve cette coutume en Italie, au IIIe siècle avant J.C., sur les poteries étrusco-campaniennes. Dans ce dernier cas, les noms sont écrit en latin, suivi du suffixe FECIT (« a fait »). Ces coutumes sont conservées dans la production de la sigillée. Les signatures persistent par ailleurs en Gaule jusqu’au IIIe siècle après J.C. • Sources des signatures Il existe globalement trois sources de signatures : Un artisan créateur de moules a pu par ailleurs vendre ses moules à différents ateliers, ce qui fera apparaître sa marque dans différents ateliers… Il reste difficile parfois d’établir l’origine exacte d’une signature. Ce flou reste à l’origine de beaucoup d’erreurs d’interprétations et de datations. • La position et la forme des inscriptions Les marques sont presque toujours placées au centre, de façon interne. Dans le cas particuliers des potiers de l’époque augustéenne, les marques ne sont pas internes centrales, mais internes radiales (quatre cachets). Cette distinction constitue une technique potentielle de datation. La forme primitive des potiers italiques se caractérise par deux lignes superposées, séparées d’un trait (nom du potier et nom de son esclave, réalisateur). Cette forme n’existe quasiment pas en Gaule. Lorsque la signature se fait à la main, sans cachet, elle est souvent réalisée avant cuisson, en cursive ou en majuscules. • Homonymie L’existence de signatures d’homonyme a été constatée. Elle est d’autant plus forte que de nombreuses signatures ne constituent qu’un diminutif du nom. Elle demeure une source de confusion, notamment pour les identifications et les datations. • Cas particuliers : les association de potiers Il existe différentes relations entre potiers, dont témoignent les signatures : • Les marques anépigraphiques Il s’agit de marques ne comportant pas de lettres. Les cachets sont composés d’animaux, de végétaux ou de motifs géométriques, mais servent à signer l’oeuvre et non à la décorer. Certains cachets ont été volontairement dégradés, quand ce n’est pas la trace qui a été modifiée au doigt… Qu’elle peut être la signification de cette volonté d’anonymat ? Peut-être échapper à une taxe ? • Sémantique de la signature FECIT (a fait) Emploi du génitif dans les noms (us -> i, comme Paulus -> Pauli) : désigne le nom du propriétaire artistique du produit. Cas particulier de deux noms au génitif : le premier désigne l’esclave réalisateur, le deuxième nom désigne le maître de ce dernier. • Les noms des potiers Il existe des noms romains comme AVERNICUS (l’arverne), AQUITANUS (l’aquitain)… Mais à côté persistent des noms gaulois latinisés : les noms à préfixe en CIN (CINTUSMUS…), en DAGO (Dagomarus…), RITO (RITOMARUS), ou des suffixes en RIX, MARUS, GENUS, RANTUS, OS par exemple… On peut également identifier l’origine gauloise du potier par l’usage du I à la place du E, de Q à la place de E ou C, et de Téta pour DD, ainsi que l’oubli du N. Souvent le fabricant de moules a été amené à signer à la main, de même que les potiers (notons qu’il s’agit d’une preuve du niveau social de ces hommes qui savaient donc écrire).
Un peu de typologie pour finirL’utilisation d’une typologie est très utile dans le cas de la sigillée. En effet les pièces répondent à des gabarits assez précis ce qui permet un classement relativement simple et quasi “universel”. Au cours du dernier siècle, de nombreux archéologues ont travaillé à réaliser cette typologie, en publiant des catalogues. Leurs noms sont restés associés aux formes, ce qui explique le vocable “Dragendorff”, “Ritterling”, “Walters”, “Chenet” utilisé pour décrire certaines formes…
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