Les méthodes utilisant la fission des radioéléments
La plupart des éléments possèdent des isotopes naturels dont certains sont radioactifs. La désintégration naturelle de ces radioéléments suit une loi standard du type : N = No.exp (-lt), où N est la concentration à l’instant t, No la concentration initiale et 1/l est la durée de vie moyenne. Si cette désintégration des isotopes-pères conduit à D atomes fils (tel que No=N+D), on pourra écrire : [t=(1/l).log(1+D/N)].
Ce sont ces quelques connaissances de base qui sont à la source des méthodes de datation par les radioéléments. La méthode par le dosage du radiocarbone est la plus connue mais existent également la méthode par le potassium-argon, la datation par les déséquilibres des chaînes des uranides ou du 210Pb, etc…
Document 1
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fDans la très haute atmosphère, l’interaction entre des atomes d’azote 14N atmosphérique et des neutrons produits par les protons du rayonnement cosmique primaire est à l’origine du radiocarbone 14C, isotope radioactif du carbone 12C, (14N + n = 14C + 1H). Ce radiocarbone rapidement oxydé se mélange au gaz carbonique atmosphérique et est fixé via les océans et la biosphère par les êtres vivants. Ceux-ci recyclent durant toute leur existence le carbone assimilé (absorption puis élimination) et maintiennent en eux un rapport constant 14C/12C identique pour tous à l’équilibre. Mais à la mort des êtres vivants (coupe d’un arbre, décès d’un animal ou d’un homme), le stock acquis de 14C n’est plus renouvelé et la désintégration se traduit par une baisse régulière du rapport 14C/12C suivant une loi dépendant du temps. On dispose donc de la possibilité de déterminer l’ancienneté de cette mort. La composition isotopique du carbone naturel actuel est de : 98,89% de 12C, ou carbone normal, 1,11% de 13C ou carbone-13, 1.10-10% de 14C ou radiocarbone. Puisque ce dernier est radioactif (14C = 14N + b), la quantité de radiocarbone sur terre ne croît pas indéfiniment mais un équilibre ayant été atteint, elle reste à un niveau constant (celui nouvellement produit étant compensé par celui qui se désintègre). La période T de demi-désintégration a été estimé en 1962 égale à : 5730 ± 40 ans soit légèrement plus que la valeur (T = 5568 ± 30 ans) initialement déterminée par W. Libby. Cela signifie qu’au bout de 5730 années en moyenne, la moitié des atomes de radiocarbone a disparu et qu’au bout de 3 périodes T (soit 17190 ans) il n’en reste que [(1/2)3 = 1/8]. De cette façon, au bout de 10 périodes, il ne reste qu’1/1000 du radiocarbone initial et vues les concentrations de départ, on estime généralement avoir atteint la limite de détection de celui-ci (1 à 2 désintégrations par jour et par gramme de carbone). Cette valeur d’environ 50.000 ans est considérée comme la portée maximale de la méthode de datation par le radiocarbone. dMise en oeuvre pratiqueLa mise en oeuvre pratique de la méthode comporte plusieurs variantes mais on retrouve toujours : a) un prétraitement (nettoyage mécanique et chimique de l’échantillon). Il s’agit d’éliminer par tri sous binoculaire les traces d’éléments carbonés plus récents (radicelles par exemple) dont la présence pourrait rajeunir la date apparente ensuite déterminée. b) un traitement chimique de transformation qui par une succession de réactions soigneusement contrôlées amène par synthèse le carbone total contenu dans l’échantillon soit sous forme gazeuse (gaz carbonique, méthane, acétylène ou autre), soit sous forme liquide (principalement benzène) selon la nature technologique du compteur d’impulsions b utilisé ensuite dans la chaîne opératoire. c) le comptage des impulsions béta émises par l’échantillon ainsi transformé pendant une durée déterminée. Le compteur (pour gaz ou pour phase liquide) est entouré d’un blindage (Bi ou Hg) et de tout un réseau de compteurs en » anticoïncidence » afin de minimiser l’effet d’éventuels rayons cosmiques pénétrants arrivés jusque là. Typiquement les compteurs à gaz utilisent environ 2 litres de gaz sous une pression de 2 à 5 atmosphères selon les installations et les compteurs en phase liquide des volumes d’environ 20 cm3. Quoi qu’il en soit, il faut pouvoir disposer de quelques grammes de carbone pur ce qui n’est pas toujours une évidence lors de datation de restes osseux ayant perdu avec le temps une forte proportion de leur collagène. La comparaison de l’activité I mesurée de l’échantillon archéologique avec celle Io d’un échantillon moderne (avant 1950 pour éviter les effets de l’ère nucléaire) permet de déterminer l’âge du premier: t = (T/0,693) log (Io/I) La présence d’un bruit de fond des compteurs et le fait qu’une désintégration reste un phénomène aléatoire entraîne une erreur standard estimée à environ ± 100 ans pour les installations courantes mais pouvant être ramenée à ± 25 ans pour quelques laboratoires à très hautes performances. L’introduction du comptage direct des isotopes par accélérateur couplé avec un spectromètre de masse (tandétron) a permis de réduire la quantité nécessaire de carbone présente dans l’échantillon mais l’ordre des précisions reste le même. En fait, des datations croisées ont rapidement fait apparaître des écarts entre les dates fournies par des méthodes différentes. Les fluctuations de l’activité solaire (cycle certain de 11 ans et cycle possible sur 200 ans) entraînent que le rapport 14C/12C n’est pas une constante au sens strict. On a donc entrepris dès les années 70 de calibrer les dates radiocarbone (BP) en années calendaires (BC et AD) par détermination de l’évolution de l’activité sur les cernes de bois anciens datés par dendrochronologie (pinus aristata des Rocheuses). Sont donc apparues des courbes ou des tables de calibration (table du Masca ou table de Tucson) qui permettent à chacun d’effectuer cette correction (portée ~ 5000 ans). Enfin, l’énoncé de la date (par exemple : 2250 ± 80 BP) avec sa valeur centrale suivie de la fourchette d’incertitude prête à confusion si on ne précise pas s’il s’agit d’une fourchette à un écart-type (68% de chance pour la date réelle d’être dans l’intervalle énoncé) ou à deux écart-type (95% de chance). C’est normalement la seconde option qui est retenue par les laboratoires spécialisés.
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